Dominique discute avec ses amis, assis dans un fauteuil en cuir du bar renaissance dont le plafond culmine quatre mètres plus haut. Il ne prête guère attention au lustre magnifique composé de zirconium qui illumine la pièce d’une lumière majestueuse. Quatre serveurs parcourent l’immense salle à grands pas, s’assurant que tout le monde a ce qu’il lui faut, que chacun est bien à l’aise, qu’il ne manque pas cacahuètes dans les petites assiettes de porcelaine posées harmonieusement sur les tables incrustées de plaques de nacre venues d’îles lointaines, et que les verres, dont les contenus sont soigneusement mémorisés pour montrer au consommateur que l’on tient compte de ses moindres désirs, sont à moitié plein.
Dominique est inquiet. L’herbe de sa pelouse devient jaune terne sans crier gare alors que son système d’arrosage automatique, offert par la société PleinLesPoches, qui rénove l’ancienne mairie pour en faire un local pour handicapés, est toujours aussi opérationnel et efficace. Son jardinier, mis à disposition tous les lundis par l’entreprise J’AimeLesDividendes, dont le siège social jouxte la salle de réunion du conseil municipal, ne comprend pas non plus. Il a utilisé tous les engrais recommandés, livraison gracieuse à titre de test scientifique de la multinationale ProduirePlusToutDeSuite, en respectant les dosages, les périodes propices et les bons usages.
Les relations actuelles – les vestes se retournent vites dans ce milieu – de Dominique sont bien d’accord avec lui. Le monde ne tourne plus rond entre les changements climatiques inopportuns, la montée du populisme et un Yuan toujours aussi bas. S’ils s’écoutaient, ils feraient quelque chose !
En attendant ce soubresaut républicain porté par une idée grandiose qui pourrait les propulser sur le devant de la scène médiatique et les faire passer en direct au journal du soir, ils attaquent une seconde tournée, en se demandant pourquoi le gazon de Dominique perd son vert naturel si charmant. L’un d’entre eux, un innovateur s’étant illustré dans son jeune temps dans une carrière d’ingénieur par erreur, avant de revenir rapidement dans le droit chemin du monde politique et correct, suggère que cela est sûrement dû au manque de lumière. Tous se moquent de lui gentiment, il fait toujours beau à Toulouse, le bastion de Dominique. Un autre, grâce à un passage rapide par Internet sur son téléphone intelligent nord-coréen payé par l’état, suggère qu’il faudrait peut-être le traiter contre la maladie du rai gras ou pulvériser un insecticide pour exterminer les tipules ou les larves. Un troisième, que le sujet ne passionne pas mais qui n’a rien d’autre à faire, propose de créer une commission, en étendant un peu le sujet à un contexte plus large pour obtenir des subventions raisonnables.
Le thème est vite rédigé sur un coin de table : « Subvention par l’état de jardinets dédiés à la photosynthèse dans les banlieues pour réduire la criminalité en ramenant les jeunes à la nature et résister à la pollution provoquée par le manque de transports collectifs ».
Dominique se demande si c’est une bonne idée, sachant que compte tenu des délais de mise en place des actions potentiellement déclenchables par la commission suscitée, cela lui permettrait de rassurer son épouse qui s’inquiète pour les garden-parties de l’été prochain, sa garde robe n’étant pas du tout en accord avec la couleur blé délavé. Ils pourraient demander à son ami, le Président du stade, de leur réserver les rouleaux de pelouses inutilisés, solution simple et peu coûteuse. En échange, il pourra toujours agrémenter de sa présence le bal de fin d’année de sa fille et le repas des anciens joueurs qui ont, un jour, brillé de mille feux dans l’enceinte sportive.
Dans une salle voisine, une cloche sonne, rappelant Dominique et ses confrères à leur devoir. Ils doivent voter deux amendements à d’anciennes lois, le premier pour autoriser la peine de mort pour les criminels immoraux, tueurs d’enfants ou mangeurs de cadavres, le second pour blanchir les banquiers pour les détournements de fonds commis pendant la crise. « Des broutilles » se dit Dominique en se rendant à son siège numéroté tout en pensant à son mélange à base d’une majorité de fétuque ovine durette, son herbe favorite.
je ne trouve pas que certaines phrases soient à revoir à cause de leur longueur, ça ne m’a pas choqué,
c’est fluide, plein d’humour et très efficace !
Moi, je veux bien croire que c’est écrit assez vite. Je peux me tromper, mais il y a quelques signes, dans d’autres textes aussi, qui me disent que ça démarre et que le texte t’emmène. Je connais ça car c’est ma façon d’écrire, aussi. Vite et sans plan pré-établi.
Pour ce texte là, j’ai trouvé les phrases un peu longues. Des fois, extrêmement longues. Peut-être revoir la ponctuation pour le condenser un peu ?
En tout cas, une belle écriture
L’idée des phrases longues était justement d’alourdir la réflexion par rapport à sa futilité, de rendre le tout plus long, plus pesant … Maintenant, c’est peut être excessif … je vais relire !
rédigé sur un coin d’table….je n’y crois pas !
excellent !
merci AntoineJ
Merci pour ce retour !
j’ai essayé de faire simple et court pour rendre cela plus « crédible » …